Le chanoine André Vaillant a donné à la Bibliothèque diocésaine, le jour même de la fête de St Jean Damascène, un livre précieux. L’histoire mérite d’être contée : c’est un malheureux exemple de vandalisme moderne. Voici ce qu’écrit le donateur : " Ce livre avait été conservé jusqu’en 1954, dans le casier des livres anciens, au presbytère de la paroisse St Martin de Malzéville où j’étais alors vicaire, le chanoine Joseph Boulanger était curé. Le ‘casier’ renfermait une bonne quarantaine - au moins - de livres anciens. Cette bibliothèque couvrait toute la surface du mur d’une salle de catéchisme. Pour tout rénover, le successeur du Père Boulanger "a fait le vide de toutes ces vieilleries". Les ramasseurs de vieux papiers en ont rempli un camion entier. C’était un jeudi après-midi ; je faisais le patro sur le plateau de Malzéville avec une bonne centaine de garçons... A mon retour, j’ai ramassé sur le sol mouillé, devant la porte, ce livre tombé de la benne débordante. Je l’ai conservé précieusement."

La reliure de l'ouvrage est usée... mais on devine facilement quelle beauté avait ce livre il y a cinq siècles.

Heureusement ! En effet, après consultation de MM. Hubert Collin, Conservateur des Archives de France et Gérard Thirion, Inspecteur général des Bibliothèques, le Père Vaillant apprenait que ce volume était la première édition latine, par Jacques Lefebvre d’Etaples de l’Exposition de la foi orthodoxe, oeuvre de saint Jean Damascène, publiée à Paris, en 1507[1].

Première page (annotée) et premier parchemin de réemploi pour la reliure.

De plus, comme c’est souvent le cas, la reliure - de peu postérieure à l’édition - a été renforcée par une page d’un manuscrit ancien : un fragment d’une Table du Décret de Gratien [2] qui pourrait provenir d’un manuscrit universitaire de la fin du XIIIe siècle ou du début du XIVe siècle.

Second parchemin de réemploi pour la fin de l'ouvrage.

Vandalisme... inconscience ? Ce "quasi-incunable" a miraculeusement échappé à la destruction... combien d’autres, à Malzéville et ailleurs, n’ont pas eu cette chance ? De trop nombreux témoignages (par exemple en ce qui concerne Toul !) font état de destructions de livres, d’archives, d’objets du culte, d’ornements etc. Il n’est plus possible de réparer ces erreurs, mais il serait scandaleux de les répéter à présent. Or il y a péril : les restructurations des paroisses conduisent à fermer des presbytères... soyons tous vigilants !

Des écueils nous guettent : nous voyons et apprécions nécessairement en fonction de nos centres d’intérêts et connaissances. Le musicien ne verra que les partitions et livres de chants et laissera partir tout le reste... Par ailleurs, ce qui a bel aspect n’est pas toujours ce qui est le plus précieux. Et puis, il y a encore le manque de temps pour trier, parfois l’état de saleté particulièrement dans les greniers... Que faire ? Comme l’indiquait un dossier sur les archives publié dans Notre Eglise : faire appel au bibliothécaire diocésain qui viendra ou enverra une personne compétente pour sauvegarder ce qui mérite de l’être.

Ce tableau du zodiaque permet de dater l'ouvrage (en haut à droite): "a(n)no xpi 1507", soit "année de Jésus Christ 1507".

Bernard Stelly

Bibliothécaire diocésain

Responsable des archives historiques

[1] Sancti patris Ioannis Damasceni Orthodoxe Fidei accurata editio interprete Iacobo Fabro Stapulensi. (Titre au début du folio 2). St Jean Damascène, Père et docteur de l’Eglise (vers 650- 750), a laissé une oeuvre importante, mais peu originale : ‘’il rassemble tout ce qui a été dit de bon avant lui’’ (Catholicisme). Son Exposé de la foi orthodoxe est ‘’le premier exposé synthétique du dogme chrétien’’ (idem).

[2] Collection de documents canoniques rédigée vers 1140, attribuée à un moine camaldule, Magister Gratianus.

 

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