Les jardins d'Hampton Court d'après une gravure de Knyff

La bibliothèque diocésaine, en la personne de l'abbé Stelly, m'a permis d'avoir accès à un fond riche, notamment un ouvrage de 1724, Le Nouveau Théâtre de la Grande Bretagne, constitué de gravures de la fin du 17ème siècle et du début du 18ème. Mon mémoire de maîtrise consiste à étudier les jardins des propriétés représenter dans cet ouvrage.

Le Nouveau Théâtre de la Grande-Bretagne a été édité à Londres en 1724, cette édition n'est pas la première, il y en eut annuellement à partir de 1708. Ces cinq tomes comportent environ chacun 80 gravures, les quatre premiers représentent la Grande-Bretagne et le cinquième est un atlas de la Grande Bretagne.
La technique utilisée pour la gravure de ces planches est l'aqua fortis. Cette technique est très utilisée aux 17 et 18èmes siècles. Le graveur utilise une plaque de métal, sur laquelle il étale du vernis; une fois sec, il grave la plaque, à l'aide d'un stylet, et y étale un acide qui ne va rentrer que dans les sillons et attaquer le cuivre. La plaque est ensuite recouverte d'encre; cette dernière ne pénètre que dans les sillons, on y pose une feuille de papier et on la presse. Cette technique permet de créer des nuances et de détailler les dessins.
Ces gravures, pour la majorité d'entre elles, ont été faites par le dessinateur Knyff et le graveur Kip. Ces deux hommes d'origine hollandaise ont parcouru la Grande Bretagne à la fin du 17ème siècle et au début du 18ème, ils nous montrent ainsi " l'état des lieux " à cette époque. Ces gravures s'inscrivent dans un mouvement de représentation des propriétés seigneuriales très important en Hollande.
Les gravures représentent plusieurs aspects de la Grande Bretagne, comme l'architecture, les villes (chorographie), des ports, des plans, des phares, des sculptures, par exemple la statue équestre de Charles Ier , des cartes mais surtout les propriétés des seigneurs du royaume.

Ces vues à vol d'oiseau des propriétés me permettent de faire l'étude de leurs jardins à la fin du 17ème siècle et ce, juste avant les grands changements de l'art paysager en Angleterre qui vont donner ce qu'on appelle aujourd'hui le jardin à " l'Anglaise ", c'est à dire un jardin paysager à la manière des tableaux de Claude le Lorrain. Au 17ème siècle, les jardins en Angleterre sont marqués par une influence française notamment avec la présence de la symétrie, de perspectives et de canaux. L'exemple le plus célèbre est sans doute le palais royal et les jardins d'Hampton Court dont le dessin de Knyff nous montre l'état en 1705, juste après les travaux entrepris par le roi Guillaume et son épouse Marie.
Le château d'Hampton Court est situé à quelques kilomètres à l'est de Londres, sur les rives de la Tamise.
Hampton Court constitue un excellent exemple de transposition des concepts français. Les allées rayonnantes partant d'un rond point pour rythmer l'ensemble sont très appréciées et de plus, aisées à aménager. Les chemins offrent fréquemment des points de vue intéressants sur de lointains rochers ou sur des fontaines disposées dans le parc.


C'est à Henry VIII, roi d'Angleterre de 1509 à 1547, que l'on doit la définition de la structure des jardins, très semblable à leur apparence actuelle : un jardin privé au sud, un jardin public à l'est avec un parc au delà, des terres pour le plaisir au nord, et à l'ouest le chemin d'entrée et Tiltyard (cour pour les joutes et les tournois).
La disposition resta la même jusqu'au règne de Guillaume III (1669-1702) et de Marie II (1669-1694), malgré les changements dans le modèle d'horticulture et le dessin des jardins ; Guillaume et Marie décidèrent alors de remanier l'ensemble du domaine dans le style baroque. Guillaume et Marie furent les grands jardiniers d'Europe et expérimentèrent avec des plantes rares et exotiques qu'ils récoltèrent des quatre coins du monde. Marie envoya des collectionneurs aux Canaries et en Virginie pour lui rapporter des spécimens originaires de ces régions, qui étaient conservés dans des serres chaudes construites à cet effet à Hampton Court.
Ils tracèrent les grandes avenues bordées d'arbres dans les parcs au nord et à l'est du palais. Ils créèrent également un jardin privé au sud, un grand parterre à l'est, une étendue sauvage au nord et des jardins de cuisine à l'ouest. Cette disposition subsiste en grande partie aujourd'hui, malgré les modifications et les changements qui se sont produits en l'espace de 300 ans.


Les jardins Sud

Les jardins au sud du palais ont de toute date été des jardins privés. Le jardin se compose de quatre parterres, entourés d'arbres taillés; au centre de chacun, on peut voir des statues, et au milieu un bassin avec un jet d'eau. Au fond du jardin, une statue sert de point de fuite à la perspective. Dans les espèces de végétaux qui ornaient ce jardin on peut noter: le buis pour les bordures, les ifs pour les arbres taillés ainsi que pour les fleurs, la rose Centifolia qui était alors très recherchée.
Faisant office de séparation entre le jardin et la rivière s'élève une grille ornementale en fer forgé réalisée par le forgeron français Jean Tijou. Jean Tijou a également participé à la reconstruction de la cathédrale St James à Londres (les grilles en fer forgé qui entourent l'église).
Également au sud, l'orangerie inférieure qui fut construite pour y abriter la collection de spécimens botaniques de Marie II. L'oranger étant l'arbre symbole du roi Guillaume III, issu de la maison d'Orange qui gouverna la Hollande pendant tout le 17ème siècle.

Sur le côté sud des jardins surplombant la Tamise, se trouve la maison des banquets construite par Guillaume III en 1700 pour y donner des petites exceptions après avoir dîné au palais.


Les jardins Est

Sous Guillaume III il fut dessiné sous la forme d'un grand parterre en demi-cercle comprenant douze fontaines de marbre et un bassin au centre.
Ce schéma en demi-cercle est très souvent utilisé dans les jardins classiques, comme à Versailles où la patte d'oie est située à l'entrée du château.

Au-delà des jardins de la façade est, se trouve le parc proprement dit, avec le grand canal, appelé Long Water, creusé pour Charles II (1660-1685) dans les années 1660.


Les jardins Nord

Au nord, il y a ce qu'on appelle les jardins de cuisine, c'est-à-dire le potager et le verger.
A l'époque Tudor, le grand verger d'Henry VIII recouvrait les terres au nord du palais, mais sous le règne de Guillaume III, l'ensemble de celles-ci, que l'on appelait l'étendue sauvage fut planté de hautes haies taillées à formes géométriques. Le labyrinthe a été planté en 1702.


Pour conclure, ce jardin est un bel exemple d'un jardin à la française en Angleterre.
À l'heure actuelle, les jardins sont renommés pour leur magnifique tapis de fleurs printanières.

Carine FEBVRE, étudiante à Nancy II