LE FONDS ANCIEN: LA BIBLIOTHEQUE HÉRITÉE DE LA REVOLUTION

L'histoire de la Bibliothèque Diocésaine

commence avec la Révolution. En effet, à ce moment, tous les couvents de Nancy et des environs furent supprimés et les livres confisqués. L'étude de Favier (Coup d'oeil sur les bibliothèques des couvents du district de Nancy pendant la Révolution, Nancy, librairie Sidot Frères, 1883) montre que près de 75000 volumes furent saisis par la Nation. C'était là un chiffre fort impressionnant, car les couvents de Nancy étaient nombreux et riches; grâce à la générosité des Ducs, les moines avaient accumulé quantité de livres, dont certains très rares et précieux. Les moines de l'ordre franciscain, cas exceptionnel en France, disposaient de bibliothèques particulièrement riches (Cordeliers, Capucins, Tiercelins, Minimes...). Les Carmes Déchaussés de Nancy et les Bénédictins du district de Nancy (Nancy-Saint Léopold, Lay Saint Christophe, Saint Nicolas de Port, Flavigny) disposaient également de fort belles bibliothèques, dépassant parfois les 4000 volumes, ce qui pour l'époque était beaucoup. Bien des couvents se contentaient d'un millier de volumes; les couvents de femmes avaient généralement moins de 500 volumes, parfois seulement une cinquantaine.

Tous ces livres, confisqués, étaient destinés à former le fonds de la Bibliothèque Municipale de Nancy que Stanislas avait fondé en 1750. La bibliothèque de Stanislas était assez pauvre mais disposait de capacités de stockage très importantes: toutes les boiseries des Jésuites de Pont à Mousson, achetées lors de la construction du bâtiment, auxquelles s'ajoutaient les boiseries des Minimes de Nancy qui furent saisies à la Révolution. Mais cela ne suffisait pas, et les livres des religieux s'ammoncelaient. De plus, beaucoup d'ouvrages étaient en double, ou jugés sans valeur par les bibliothécaires de l'époque. Ainsi on délaissa une partie non négligeable de la collection de livres, que Favier évalue à plus de la moitié des ouvrages (selon lui, seuls 15000 volumes furent conservés par la Bibliothèque Municipale). Les doubles étaient parfois d'un grand intérêt, car la Bibliothèque Municipale préféra généralement conserver les éditions les plus récentes et les plus utiles; les livres les plus anciens, des manuscrits et des livres de piété furent entreposés en attendant que leur sort soit réglé.

Sous l'Empire,

plusieurs bibliothèques furent formées à partir du stock de doubles: celle des Soeurs de la Doctrine Chrétienne (1114 volumes), de la Préfecture (qui fut vendue), de la Cour d'Appel, de l'Evêché et celle du Séminaire. En effet, les livres en double étaient déposés dans les greniers du Lycée Poincaré (ancien couvent de la Visitation). L'abbé Michel, bibliothécaire du Grand Séminaire fut autorisé à prélever les ouvrages de théologie du dépôt en 1807. Voinier (biographe de l'abbé Michel, 1861), rapporte que l'abbé Michel fit cette proposition: il offrait de venir au Lycée avec une charette pleine de vivres, et d'en repartir avec la charette pleine de livres. A l'issue de cette période héroïque, le fonds ancien de la Bibliothèque du Séminaire était constitué. Cette bibliothèque était alors installée, avec le séminaire, dans l'Hôtel des Missions Royales (actuel IEP, avenue de Strasbourg, face à l'église saint Pierre).

L'abbé Michel avait également profité de ces événements pour constituer, par récupération et par achats (un très grand nombre de livres en provenance du diocèse de Saint Dié furent vendus par les autorités) une bibliothèque personnelle d'un très grand intérêt: religion, histoire, géographie... Michel, d'après Voinier, ne regrettait qu'une chose avant de mourir: ne pas pouvoir emporter sa bibliothèque. Il voulut qu'elle soit mise à la disposition de tous les écclesiastiques du diocèse (ce qui n'était pas le cas de la Bibliothèque du Séminaire, ouverte aux seuls professeurs). Après sa mort, sa bibliothèque personnelle fut confiée en dépôt par ses héritiers (et non donnée comme on l'a écrit trop souvent) aux Dominicains de Lacordaire qui bénéficièrent ainsi des 10000 volumes de l'abbé Michel, dans les années 1840. Quelques manuscrits très précieux furent cependant donnés au Musée Lorrain; ils partirent en fumée lors de l'incendie de juillet 1871.

L'action de l'abbé Michel a ainsi permis de constituer ces deux bibliothèques à partir du dépôt des doubles. Favier rapporte que, en 1816, le maire s'interrogeant sur ce qui était advenu des 50000 volumes déposés à la Visitation, il se vit répondre par les bibliothécaires de la ville que "Monseigneur l'Evêque ayant dû faire dans ce dépôt, comme dans ceux du même genre qui existent dans plusieurs points du département, un choix des ouvrages les plus utiles au Séminaire de son diocèse, ce qui reste ne présente pas beaucoup d'importance.". Les restes de ce dépôt, sans valeur et dépareillés, furent partiellement vendus au poids en 1817.

En 1904

les Dominicains sont expulsés, mais l'évêché obtient de la justice de conserver la bibliothèque de l'abbé Michel qui rejoint les collections du Grand Séminaire. Lors de la Séparation de l'Eglise et de l'Etat, en 1905-1906, l'hôtel des Missions Royales est confisqué, ainsi que plusieurs imprimés et manuscrits de la bibliothèque du Grand Séminaire (environ 300 volumes), au profit de la Bibliothèque Municipale.

Le Grand Séminaire et sa bibliothèque s'installèrent alors dans la chartreuse de Bosserville, puis dans les bâtiments actuels construits à cet effet en 1935-1936, à Villers les Nancy, par l'architecte Criqui. Une partie importante des bâtiments fut consacrée à la Bibliothèque; les 4 km de rayonnages des magasins permettent de conserver les livres anciens ainsi que l'intégralité du fonds Michel. Le fonds ancien (antérieur à la Révolution) s'est accru par diverses donations; il est évalué à environ 50000 volumes.

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